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18 juillet 2013

le Pr Shanda TONME ET LE SOMMET DE YAOUNDE SUR LA SECURITE DANS LE GOLFE DE GUINEE

 

P

 

Pour apporter plus de crédibilité à cet article, un BATEAU A ETE ATTAQUE LUNDI 15 JUILLET au large de Port-Gentil (Gabon) par des pirates, selon des informations fournies par les autorités gabonaises. Les recherches entreprises n'ont pas permis jusqu'à l'heure de retrouver le bâtiment, ni les aissaillants. Le problème est réel et prend de plus en plus de l'ampleur. Cependant il faut des solutions appropriées et non des sommets juste pour des résolutions.

 

 

SOMMET DE YAOUNDE SUR LA SECURITE DANS LE GOLFE DE GUINEE

Origine du problème et  limites des résolutions du sommet de Yaoundé

Dans une interview accordée à notre confrère Camerounais, Le Messager, le Pr Shanda TONME, spécialiste des relations internationales éclaire l’opinion sur les causes de l’insécurité dans le Golfe de Guinée et dévoile quelles pourraient être les limites des résolutions du sommet de Yaoundé - tenu les 24 et 25 Juin - face à cette problématique.

Quelques extraits de cette Interview Tirée du N° 3867 du Journal, le Messager

A PROPOS DES CAUSES DE CETTE INSECURITE DANS LE GOLFE DE GUINEE

Le Pr Shanda TONME : Vous savez, la dégradation de la situation sécuritaire dans le golfe de Guinée n’est pas une fatalité, c’est même une évolution prévisible au regard des dysfonctionnements géopolitiques qui engendrent des risques de rupture des données stratégiques, le tout résultant d’une inadéquation des systèmes de gouvernance politique avec la montée des exigences de transparence, de représentation populaire et de légitimité tout court. Lorsque l’on vous parle des côtes somaliennes par exemple, il faut se demander quand commence le problème. Vous voyez bien que la faiblesse des régimes ou leur déliquescence dont la conséquence ultime est la ruine des institutions publiques voire de l’autorité de l’Etat, constitue la principale source. C’est la première tangente. La deuxième réside dans l’absence d’une coopération renforcée, des échanges réguliers de renseignements, et des coordinations sécuritaires et diplomatiques entre les différents Etats.



SANS UNE COOPERATION PLUS RENFORCEE ENTRE DIFFERENTS CHEFS D’ETATS, LA SOLUTION SERA DIFFICILE A TROUVER : EXPLICATIONS !


Le Pr Shanda TONME   : Regardez en Europe par exemple. Hollande est au pouvoir depuis juste un an, mais il a déjà rencontré plus de vingt fois le chef de l’exécutif allemand, Madame Merkel. Dites-moi combien de fois les présidents Biya et Goodluck Jonathan se sont rencontrés depuis un an ? Ne citons même pas les autres. Le nœud du problème, voire de l’échec se situe déjà à ce niveau. La sécurité d’une sous-région ne peut pas se limiter à une foire de circonstance. Et puis, quand chacun se comporte comme un roi dans une forêt privée complètement détachée du reste du monde, détachés des voisins immédiats, rien de global en termes de prévention des risques ou de maîtrise des situations défaillantes ne peut être réellement contenu, entretenu de façon concrète, ponctuelle ou stratégique. On voit des chefs d'Etat assister aux rencontres internationales à convenance, comme si au final, rien n'est ni urgent, ni important, ni crucial. Pour faire des choses sérieuses, il faut d'abord se prendre au sérieux et accorder de l'importance à ce qui est important.

 

EN PLUS D’UNE EXIGENCE DE COORDINATION, IL FAUT METTRE UN POINT D’HONNEUR A LA BONNE GOUVERNANCE AU SEIN DE NOS PAYS

Les mouvements terroristes qui écument les côtes résultent avant tout des insatisfactions internes proches des instincts de cessession. Prenez Boko Haram au Nigéria, savez-vous qu’il s’agit d’une nébuleuse montée de toute pièce au départ par les politiciens du nord musulman qui contestent le pouvoir du sudiste Jonathan ? Seulement, ce mouvement échappe dorénavant à ses maîtres originels et plonge dans une criminalité sans nom. Le dernier rapport du Département d’Etat classe Boko haram en deuxième position des mouvements terroristes les plus meurtriers en 2012 avec plus de 365 attentats criminels et plus de 1200 victimes. Or, je vous signale que cette situation tient surtout à l’absence d’un véritable Etat fédéral fort et conséquent au Nigéria. Nous ne disposons dans presque aucun de nos Etats, des moyens logistiques et des préparations militaires indispensables pour mériter le statut effectif d’Etat régalien.


LES OBLIGATIONS D’UN ETAT REGALIEN OU INDEPENDANT

Prenez le cas de l'enlèvement de la famille Moulin récemment dans le nord Cameroun. Heureusement que nous nous sommes débrouillés, dans une coordination exemplaire tripartite avec le Nigéria et la France pour bien nous tirer d'affaire. Mais des questions et des constats s'imposent. Il y a au nord une espèce de vide sécuritaire criard, avec des unités de gendarmerie totalement délabrées ou démunies, sans moyens conséquents. Cette affaire aurait dû et devrait encore donner lieu à une enquête interne sévère au sein de la hiérarchie de nos forces de défense. Dans le même ordre d'idée, mais positivement, vous voyez bien quel effort admirable a été fait avec le navire hôtel Rio Del Rey, pour sécuriser nos frontières maritimes, même si cela reste insuffisant et n'empêche pas quelques attaques. C'est une avancée louable. Croyez-vous qu’un Etat ou un groupe d’Etats devrait encore organiser un sommet pour convoquer, implorer ou quémander une force internationale destinée à assurer sa sécurité, la sécurité de ses frontières, de ses habitants, de ses ressources naturelles ? C’est malheureusement une des résolutions du sommet de Yaoundé et je le regrette infiniment. Je crois que vous avez apprécié comme moi la déclaration du président équato-guinéen qui a insisté sur le fait qu’il faut se prendre en charge soi-même. Regardez le Mali, peut-on en être fier ? On vous dit que des forces de l’Onu vont être mises en place (12.000 hommes) pour sécuriser le pays. Où allons-nous, des années après que nous ayons proclamé les indépendances ? Un jour on fête le cinquantenaire des indépendances à grandes pompes, et le lendemain, on appelle les forces étrangères pour assurer la sécurité. Franchement, l’Afrique et les Africains manquent de sérieux.



LES LIMITES DE NOS ARMEES EN AFRIQUE POUR FAIRE FACE A CETTE INSECURITE GRANDISSANT

Attendez, ou nous sommes des Etats ou nous ne le sommes pas. Ce ne sont pas pourtant les moyens qui manquent. La vérité c’est que nous n’avons même pas des armées valables, dignes de ce nom. On passe le temps à impressionner les populations au sud du Sahara au mieux et au pire à générer des coups d’Etat. Il y a assez de ressources pour disposer des forces suffisantes, agissant sur des stratégies d’état major sérieuses, cohérentes, conçues par des spécialistes et des experts rompus. Mes travaux sur les questions militaires et stratégiques, autant que sur les systèmes d’armement, la conduite de la guerre ainsi de suite, sont exploités dans les Etats majors des grandes puissances, mais pas en Afrique. Ici, qui s’en préoccupe et qui s’embarrasse de lecture et de réflexion dans nos armées ? Il y a de nombreux experts comme moi ailleurs, en Afrique et tous, sont mieux exploités et plus explorés ailleurs, pour le compte d’autres nations, celles-là mêmes que nous appelons au secours.

 

L’APPRECIATION GLOBALE DU SOMMET DE YAOUNDE : BONS ET MAUVAIS POINTS                                                                                                                    

D’un point de vue formel, la thématique était correcte et les communications ont été d’excellente facture. Si vous avez bien lu le discours de Paul Biya, de même que celui de Ouattara ou d’Idriss Déby, vous sentez que c’était bien fait, que des gens callés ont bossé comme il fallait. Je crois d’ailleurs que je connais bien certains dont j’apprécie les compétences, même s’ils n’ont pas toujours le courage de dire la vérité au chef de l’Etat quand il le faut. Les défaillances se situent comme je l’ai dit au niveau systémique, impliquant des paramètres à la fois civils et militaires. Nous devons pouvoir asseoir la bonne gouvernance comme préalable, bâtir des Etats effectivement organisés, viables et respectés avec une emprise complète sur la sécurité du territoire et des frontières. Cela suppose une stratégie conséquente d’équipement et d’emploi des forces, de même qu’une option résolument sélective de choix et de gestion des ressources humaines. Ensuite, nous devons prioriser la coopération inter-étatique dans l’organisation de la lutte contre la criminalité. Il s’agit d’une stratégie de tous les instants impliquant la mise en place de structures conjointes de renseignements, et de mécanismes automatiques d’alerte puis d’intervention. Les participants au sommet de Yaoundé ont semblé s’approcher de ces orientations, mais leur niveau d’organisation interne, leur seuil de coexistence complice et de coopération des intelligences du renseignement, de même que leur prédisposition à prendre en charge les devoirs et obligations régaliens, relèvent de l’impossibilité au pire, et d’un doute attentiste et immature au mieux. En définitive, le niveau de perfectionnement et d’effectivité de la sécurité à long ou à court terme d’un Etat, est intimement lié au niveau de perfectionnement et de légitimité de son système de gouvernance. Toute quincaillerie militaire ou toute stratégie de protection, de défense et de combat qui ne résulte pas d’une intime et transparente légitimité populaire, n’est qu’une pauvre, inutile, improductive et fanatique vue de l’esprit. Les enseignements militaires de Mao Tsé Toung et du Général Giap l’avaient déjà amplement prescrit et consigné dans les formations des états-majors.



 

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